Les failles inverses, 2019/in progress Chapitre 1
Dans le massif des Ecrins, la face Nord de la Meije fascine par sa noirceur et sa singularité géologique -celle d’une faille inverse. C’est la rare inversion de la logique normale des roches. Je suis devant une montagne, fragile, géante majestueuse aux pieds de schiste.
Une fois encore, je me retrouve au cœur des éléments. Eau, glace, terre.
D’abord à distance, je scrute ce panorama et compose un premier volet « Les failles inverses », cherchant les indices de sa formation, de sa « liquidité », celle de son passé originel. Les plis de ce chevauchement fracturent le paysage et révèlent la plasticité singulière de cette montagne.
Puis je me rapproche peu à peu de sa matière, constituant un deuxième volet « A pierre fendre ».
Coulées d’avalanche de glacier, trainées roses du sable du Sahara, feuillets de schistes, cristaux de glace. A travers différents media et matérieux, j’explore cette matière : tirage sur dibond aluminium, céramiques, gravures sur cuivre. In situ, j’expose également à la morsure du gel nocturne des compositions d’encre de Chine et de poussières de schiste sur papier japonais. C’est lorsque le soleil fait fondre peu à peu la glace, que je saisis les empreintes éphémères des cristaux noircis et cendrés. Je prolonge ce processus en transférant des fragments de ces compositions dans des tirages en photopolymère.
A travers ces changements d’échelle, ces légers vertiges de l’observation, il ne s’agit pas seulement pour moi de documenter l’apparence de ce paysage mais de traverser celui-ci pour accéder à ses particules les plus élémentaires, à leur incessante recombinaison. Un mouvement qui, s’il reste en partie naturel, ne l’est plus seulement : les actions de l’homme sur son environnement ne cessent d’accélérer une altération de la nature, une détérioration du paysage, prémices de « l’effondrement des Alpes », offrant peu à peu un nouveau paysage.
Ainsi prend forme une installation polymorphe, photographique et sculpturale : « Les failles inverses ».